Sédiment et polluants métalliques
Un article de Dr. Sandra Lagauzère (juin
2008).
La pollution de l’environnement aquatique par les substances toxiques d’origine anthropique, en particulier les métaux, est un des problèmes majeurs auxquels doivent faire face les sociétés actuelles. Ces substances contaminent les systèmes aquatiques à partir de sources ponctuelles et diffuses (eaux de drainage, eaux usées, effluents industriels et agricoles), tendent à s’accumuler dans les sédiments et, dans certains cas, peuvent se concentrer dans les réseaux trophiques. Cette dégradation de la qualité des ressources peut avoir des répercussions sociales et économiques importantes. Des actions souvent coûteuses sont menées pour restaurer la qualité des milieux aquatiques et assurer un développement durable des activités humaines. Cependant, pour être efficaces, ces actions doivent s’appuyer sur une bonne connaissance des processus qui contrôlent la répartition et les échanges des substances toxiques entre les sédiments, l’eau et les organismes aquatiques. Elles doivent également prendre en compte l’évaluation des effets écotoxicologiques induits par ces substances sur les biocénoses aquatiques.
La quasi-totalité des études menées in situ révèlent le rôle primordial des sédiments dans le cycle biogéochimique des
métaux: ils constituent en effet des sites privilégiés pour l’accumulation de ces éléments (Alfaro-De-la-Torre & Tessier 2002). Dans les écosystèmes lacustres, par exemple, les métaux
accumulés dans les couches superficielles du sédiment peuvent représenter plus de 90 % de la teneur métallique totale estimée pour l’ensemble des compartiments abiotiques et biotiques (Tessier
& Campbell 1988, Luoma 1989). Secondairement, les sédiments peuvent aussi se comporter comme des sources endogènes de contamination, par évolution de la spéciation physico-chimique des
métaux, laquelle influence directement leur mobilité et leur biodisponibilité (Soster et al. 1992). En effet, les composés métalliques peuvent être transformés en composés plus ou moins toxiques
ou inertes sous l’effet de modifications des conditions physico-chimiques (e.g. pH, conditions rédox, force ionique) et microbiologiques des
sédiments. Ces conditions sont elles-mêmes contrôlées par les processus de bioturbation des sédiments (Kristensen 2000), lesquels se définissent comme l’ensemble des perturbations induites par
l’activité des organismes vivant à la surface (épibenthiques) et dans le sédiment superficiel (benthiques) (Rhoads 1974).
Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont montré la forte influence de la bioturbation de la macrofaune sur le fonctionnement biogéochimique des sédiments. Les organismes benthiques sont ainsi considérés de façon consensuelle comme des « ingénieurs écologiques » (Gérino et al. 2003, Mermillod-Blondin & Rosenberg 2006). La plupart des milieux aquatiques sont étudiés, depuis les grands fonds marins, les sédiments côtiers et estuariens, les sédiments des lacs et des rivières, jusqu’à des sédiments plus artificiels comme dans les bassins d’orage. Malgré les différences évidentes entre ces écosystèmes, les communautés benthiques y induisent des effets similaires. L’augmentation des flux de solutés à l’interface eau/sédiment et le remaniement des particules sédimentaires représentent les principales conséquences. Combinés avec d’autres modifications physiques, comme une plus forte porosité ou des changements granulométriques, la bioturbation influence directement les communautés microbiennes contrôlant la diagenèse précoce (Aller et al. 2001). Les sédiments de surface sont ainsi constitués d’une mosaïque tri-dimensionnelle de micro-habitats avec des gradients variables d’oxygénation et de conditions redox qui vont altérer les processus diagénétiques (Kristensen 2000).
Parmi les conséquences écologiques, l’impact de ces modifications sur la distribution, la spéciation et les processus de mobilisation/immobilisation des polluants accumulés dans les sédiments est de première importance et a reçu beaucoup d’attention de la part de la communauté scientifique (Banta & Andersen 2003).
Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’à plus ou moins court terme ces polluants peuvent se répercuter directement sur l’être humain via des phénomènes de bioconcentration dans les réseaux trophiques.