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Bioécologie

La cognition du primate non-humain

21 Mars 2015 , Rédigé par Bioécologie Publié dans #Chercheurs - projets de recherche..., #A voir - à écouter

Conférence donnée par Joël Fagot à l'occasion du Forum des Sciences Cognitives (édition 2014), organisé par l'association Cognivence. Le thème de la journée était "Homme, Animal, Machine - À la croisée des intelligences."

Resumé de la conférence : "L'étude de la cognition animale est caractérisée par deux approches distinctes mais complémentaires. L'approche « Naturaliste » consiste à s'intéresser aux comportements naturels, et à tenter de comprendre les facteurs et pressions sélectives qui ont permis l'émergence de ces fonctions au cours de la phylogenèse. L'approche « Généraliste » postule qu'il existe des traits cognitifs communs entre l'humain et l'animal, et cherche à identifier ces traits dans une recherche de laboratoire. Dans cet exposé, je présenterai une nouvelle méthode de recherche favorable à un interfaçage entre ces deux approches, et discuterai les perspectives offertes par cette méthode dans le cadre des études sur la cognition du primate non-humain. Depuis près de 80 ans, la plupart des travaux de laboratoire utilisent des techniques de comportement opérant : l'animal effectue une tâche et reçoit une récompense après chaque bonne réponse. Cette méthode s'est révélée être un outil extrêmement efficace pour étudier une multitude de phénomènes cognitifs chez l'animal, notamment dans les domaines de l'apprentissage, de la perception, de la mémoire et du raisonnement. Toutefois, dans l'objectif d'un meilleur contrôle des variables expérimentales, les tests cognitifs sont le plus souvent réalisés en isolant l'animal de son groupe social. Faut-il vraiment sortir l'animal de son groupe pour le tester, et que gagne t'on à le tester en groupe social ? Si le renforcement est un organisateur puissant du comportement, comme le postule Skinner, alors l'obtention de la récompense doit être une motivation suffisante pour inciter l'animal à interagir librement avec les systèmes de test, sans avoir à les capturer ni même à les isoler de leurs congénères. Fini les contraintes ! Nous avons été parmi les premiers à construire un laboratoire en libre accès chez le singe. Dans la pratique, nous travaillons avec un groupe de 30 babouins de Guinée qui peuvent à tout moment quitter leur groupe social pour se tester librement au sein du laboratoire. Les systèmes de test qui sont mis à disposition des singes comportent chacun un écran tactile pour la présentation de stimuli et l'enregistrement des réponses, des distributeurs de récompenses, et une identification automatique des babouins permettant d'adapter les tests au niveau de performance de chaque individu. Nos travaux ont montré que cette approche est pleinement fonctionnelle: Depuis 4 ans que le laboratoire existe, les singes participent à nos tâches à hauteur de 30 000 essais par jour en moyenne, et nous collectons quotidiennement des données sur la totalité de nos 30 sujets. Bienvenu dans le monde du « Big Data ». De nouvelles perspectives ! La possibilité de collecter de grandes bases de données sur de nombreux sujets ouvre des perspectives nouvelles pour les recherches en cognition animale. J'en citerai plusieurs, mais n'en présenterai en détail que trois au cours de cet exposé. Ainsi, je montrerai dans un premier temps que l'organisation spontanée du temps d'utilisation des systèmes expérimentaux favorise la démonstration et l'analyse d'apprentissages complexes. Cette démonstration s'appuiera sur des travaux récents sur le raisonnement analogique chez le singe. Dans un second temps, j'illustrerai l'apport de notre procédure expérimentale pour une approche différentielle de la cognition du primate, en me focalisant sur les variations de performances liées à l'âge dans des tâches impliquant un contrôle exécutif. Enfin, je présenterai des données mettant en relation les performances cognitives testées dans le monde physique (sur ordinateur) avec la dynamique des comportements sociaux qui s'expriment spontanément à l'intérieur du groupe de babouin. La possibilité d'étudier conjointement le comportement social et non social chez les mêmes individus ouvre la voie vers une conception plus intégrée de la cognition animale. Elle réunifie les perspectives « Naturaliste » et « Généraliste » par une étude expérimentale de l'animal « en contexte »."

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